Les ETF obligataires indiciels : la bonne alternative pour investir en obligations
Nous avons vu précédemment que les investisseurs particuliers investissent rarement en obligations en direct, mais plutôt par l'intermédiaire de fonds d'investissement. Les fonds que nous avons évoqués sont dits "actifs" : les gérants ont une réelle activité discrétionnaire de sélection des obligations et de rotation du portefeuille selon les opportunités de marché et leurs convictions économiques.
Cependant, ces fonds présentent également des inconvénients : frais de gestion souvent élevés, manque de transparence et performances parfois décevantes après prise en compte des coûts.
Une alternative existe : les fonds indiciels. Ces fonds se contentent de reproduire le plus fidèlement un indice boursier, c'est-à-dire un échantillon représentatif d'un segment du marché obligataire.
Ils offrent une approche différente, plus transparente et moins onéreuse, ce qui se ressent favorablement sur la performance à long terme.
Un petit point lexical
- Fonds (ou OPCVM) : portefeuille collectif dont on peut acheter des parts. OPCVM signifie Organisme de Placement Collectif en Valeurs Mobilières
- Fonds actif : fonds dont l'équipe de gestion dispose de marge de manoeuvres dans les décisions
- Fonds indiciel, ou passif : fonds dont le mandat donné à l'équipe de gestion est la réplication d'un indice
- ETF (Exchange Traded Fund) : fonds coté en bourse. On l'achète et on le vend en temps réel et non une fois par jour comme un OPCVM traditionnel. Les ETF sont très souvent des fonds indiciels, mais ce n'est pas synonyme.
Qu'est-ce qu'un indice boursier ?
Un indice boursier est un indicateur chiffré qui représente la valeur d'un panier théorique de titres financiers. En France, le plus connu est le CAC40, qui reflète la valeur des 40 plus grandes entreprises françaises cotées en Bourse.
La valeur de l'indice est arbitraire (le nombre de points n'a pas de signification), ce qui compte c'est surtout sa variation entre deux dates.
Sur le marché obligataire, un indice obligataire représente la valeur d'un panier d'obligation et son évolution dans le temps. Il existe des indices sur tous les segments de marché, par exemple :
- Bloomberg Global Aggregate Bond Index (anciennement Barclays Global Aggregate) : C'est l'un des indices de référence les plus utilisés au monde pour les obligations investment grade. Il couvre les obligations d'État et d'entreprises de plus de 24 marchés, en devises locales.
- JPMorgan EMBI (Emerging Markets Bond Index) Global : Cet indice suit la performance des obligations souveraines et quasi-souveraines émises par les pays émergents. Il est particulièrement important pour les investisseurs qui s'intéressent aux marchés émergents.
- iBoxx Euro Corporate Bond Index : Un indice majeur pour le marché des obligations d'entreprises en euros. Il inclut des obligations investment grade émises par des entreprises européennes et internationales.
- ICE BofA US Corporate Index : Cet indice suit les obligations d'entreprises de qualité investment grade libellées en dollars américains et émises sur le marché américain.
- FTSE World Government Bond Index (WGBI) : Un indice de référence pour les obligations gouvernementales des pays développés. Il mesure la performance des obligations d'État à taux fixe de qualité investment grade émises en monnaie locale.
Chaque indice boursier est construit selon des règles strictes, qui définissent quel type d'obligations sera inclus dans le calcul et quelles seront les pondérations.
Qu'est-ce qu'un ETF indiciel ?
Les ETF (Exchange Traded Funds) passifs obligataires sont des fonds cotés en bourse qui répliquent la performance d’un indice obligataire. Ils suivent une gestion passive, ce qui signifie qu’ils se contentent de refléter les mouvements de l’indice sous-jacent sans chercher à faire mieux. Ils sont composés d’un panier d’obligations qui représentent fidèlement l’indice suivi, qu’il s’agisse d’obligations gouvernementales, d'entreprise ou à haut rendement.
Le gérant d'un fonds passif a donc un mandat simple : reproduire les mouvements du panier obligataire de référence, et minimiser les écarts de performance. En pratique, les ETF indiciels parviennent à répliquer leur indice de façon extrêmement efficace : il est rare que l'écart sur une année dépasse 0,1% (hors frais). On peut donc considérer que les ETF indiciels offrent une réplication presque parfaite d'un échantillon du marché.
Bien entendu, puisque leur seul but est la réplication, ils doivent répliquer à la fois les hausses et les baisses, sans chercher à anticiper les tendances ou à protéger le capital : ils ne sont jugés que sur la qualité de la réplication, pas sur la performance. La tracking error est le terme qui désigne l'écart de performance entre un fonds indiciel et l'indice qu'il doit répliquer. Un gérant passif est jugé sur sa capacité à minimiser la tracking error, pas sur la performance de son fonds.
Même si cela peut paraître paradoxal, les fonds indiciels représentent le meilleur moyen d'obtenir la performance des marchés obligataires dans son portefeuille, sans être pollué par les décisions parfois néfastes d'un gérant et les coûts de gestion liés.
Est-ce un meilleur choix qu'un fonds obligataire classique ?
Oui, la grande majorité des études tend à montrer que les ETF indiciels réalisent une meilleure performance que les OPCVM gérés activement. C'est le cas pour les fonds investis en actions, en obligations, en monétaire...
Quelles sont les raisons ?
Les marchés sont généralement très efficients
L'efficience des marché signifie que les informations connues sont "déjà dans les cours".
Dans le monde des marchés obligataires, l'efficience se manifeste par une intégration rapide et complète de l'information dans les prix. Chaque nouvelle donnée économique, qu'il s'agisse d'une évolution des taux directeurs, d'un changement de notation de crédit ou d'une surprise dans les chiffres d'inflation, est immédiatement analysée et reflétée dans les cours des obligations.
Cette efficience rend particulièrement ardue la tâche des gérants actifs. En effet, dès qu'une opportunité de profit se présente, de nombreux acteurs tentent d'en tirer parti, ce qui a pour effet de la faire disparaître rapidement. Par exemple, si une obligation devient temporairement sous-évaluée par rapport à ses fondamentaux, les arbitragistes vont rapidement l'acheter, faisant remonter son prix jusqu'à un niveau cohérent avec sa valeur intrinsèque.
La vitesse de circulation de l'information et la sophistication des intervenants créent ainsi un environnement où les prix s'ajustent de façon quasi instantanée. Prenons le cas d'une annonce de la Banque Centrale Européenne sur les taux d'intérêt : en quelques secondes, cette information est analysée par des milliers d'acteurs qui ajustent leurs positions, conduisant à un nouvel équilibre de prix reflétant cette nouvelle donnée.
Pour ces raisons, la gestion active peine à fournir une valeur ajoutée supérieure aux frais quelle facture. Il est généralement plus pertinent pour les investisseurs (particuliers comme professionnels) d'adopter une stratégie d'investissement passive.
Des frais plus faibles
C'est la raison principale de la surperformance de la gestion passive. Les études menées par Morningstar auprès des fonds actifs démontrent que les frais sont le principal déterminant de la performance des fonds. Or, les fonds indiciels ayant des frais bien plus faibles que les fonds actifs, cela se ressent naturellement sur la performance.
Une absence de biais cognitifs dans la gestion
Les biais cognitifs sont des erreurs de jugement que nous commettons souvent inconsciemment, comme l'excès de confiance, la tendance à suivre la foule ou à accorder trop d’importance aux informations récentes. Dans la gestion d'un fonds, cela peut se manifester par des mauvais choix ou la persistance de décisions sous-optimales.
Les gérants de fonds passifs sont beaucoup moins soumis à ces erreurs puisque leur objectif est clairement et strictement défini.
Une gestion plus simple de la liquidité
Un gérant actif aura parfois du mal à investir des montants importants dans un délai raisonnable, car il doit devra chercher quelles obligations seront susceptibles d'être ajoutées au portefeuille, et tenir compte de la disponibilité des obligations sur le marché. Parfois, son capital n'est pas placé de façon optimale, et reste sous forme de trésorerie (placements monétaires, potentiellement moins rémunérateurs en moyenne).
Un gérant indiciel n'a pas à réfléchir, et peut déployer son capital rapidement puisqu'il sait exactement quelles obligtations acheter et en quelles proprtions.
... Mais sur certains marchés, une approche active peut être plus pertinente
La gestion passive a ses avantages lorsque les marchés sont très liquides, typiquement sur les les obligations d'État ou les actions.
En revanche, sur les marchés de niche (obligations hybrides ou convertibles par exemple), la gestion active reste indispensable. Parfois, il n'existe parfois même pas d'indice boursier dédié tant le marché est disparate.
Les gérants actifs peuvent aussi, ponctuellement, réaliser des arbitrages opportunistes. En effet, il arrive que deux obligations d'un même émetteur ne cotent pas de la même façon lorsqu'une souche est moins liquide que l'autre. La souche la plus liquide sera incluse dans les indices boursiers et donc achetée par les gérants indiciels, tandis que la souche la moins liquide sera délaissée. Cette décote sera une aubaine pour les gérants actifs, car elle leur offrira un rendement supérieur.
Cependant, ces avantages théoriques sont trop minimes pour se répercuter concrètement dans les performances. Ils ne compensent presque jamais le surcoût des frais de gestion active.
Peut-on utiliser uniquement des ETF pour son allocation obligataire ?
Oui, créer un portefeuille obligataire à base d'ETF est une solution facile à mettre en place, performante et efficace. C'est celle retenue par de très nombreux investisseurs institutionnels (fonds de pension, fonds souverains, etc.).