Les obligations convertibles en actions

En résumé

Sommaire

Attention, sujet complexe ! Vous n’avez pas forcément à connaître les obligations convertibles si vous vous intéressez aux obligations. Classe d’actifs à mi-chemin entre une action, une obligation et un call, elles sont assez peu répandues et plutôt complexes à appréhender complètement.

Dans cet article, je vous présente des généralités des obligations convertibles. Mais la réalité se trouve dans les documents juridiques de chaque émission, et dans le prospectus. Les obligations convertibles sont assez hétérogènes et remplies de cas particuliers. C’est ce qui les rend intéressantes aux yeux des amateurs 🙂

Néanmoins, ne passez pas trop de temps dessus car il y en a assez peu et elles sont souvent illiquides.

Le fonctionnement des obligations convertibles

Les obligations convertibles (OC, OCEANE, etc.) sont des obligations d’entreprise qui peuvent être converties en actions de la société émettrice, à un prix connu à l’avance.

La conversion peut être à la main de l’investisseur ou de l’émetteur. Elle peut être à des dates précises ou uniquement le jour de l’échéance de l’obligation. Elle peut aussi être conditionnelle, selon le cours de l’action

On parle aussi d’OCEANE : obligations convertibles échangeables en actions nouvelles ou existantes.

Lorsqu’elle est émise, l’obligation convertible paye des coupons réguliers, comme une obligations classique, à taux fixe ou à taux variable. Néanmoins, les coupons sont généralement inférieurs à ceux qu’elle aurait versés si l’obligation n’était pas convertible. Cela est compensé par la participation aux hausses de l’action, car si l’action monte, on peut convertir l’obligations en actions et profiter d’une plus-value.

En revanche, si l’action ne monte pas, l’investisseur se retrouve avec une obligation classique qui lui sera remboursée à l’échéance, comme pour une obligation classique. Il a alors subi une perte d’opportunité lié au coupon faible.

Les obligations convertibles sont donc à mi-chemin entre actions et obligations. Cependant, ne parlez pas d’obligations hybrides : ce terme désigne autre chose. Le ratio de conversion

Le ratio de conversion détermine combien d’actions sont données pour chaque obligation lors de la conversion.

En réalité, l’optionnalité (le choix) offert à l’investisseur est ce que l’on nomme un call, ou option d’achat. L’investisseur a l’option d’acheter des actions à cours connu, en payant cet achat avec la valeur de remboursement de l’obligation. Oui, c’est exactement comme une option classique ou un call warrant ! Le strike est la valeur de conversion.

Le « bond floor », ou plancher actuariel

Les professionnels parlent de bond floor pour désigner le plancher implicite lié à la valeur de remboursement en cash de l’obligation, si l’action n’a pas monté. Il joue le rôle d’amortisseur plutôt que plancher solide. En effet, si l’action ne monte pas, il peut arriver que ce soit à cause de fragilités perçues de l’entreprise. Auquel cas les investisseurs demandent une prime de risque élevée, et l’obligation peut s’échanger avec décote.

On parle aussi de « plancher actuariel » : arrive un moment où même sans l’optionnalité, acheter l’obligation devient intéressant pour les coupons et la convergence au pair… À condition bien sûr que l’émetteur soit solvable (c’est à dire, à tempérer par le risque de défaut).

La conversion forcée (ou « soft call »)

L’un des principaux dangers pour l’investisseur réside dans l’existence d’un soft call. Cette clause permet à la société émettrice a la possibilité de provoquer le conversion « au pair » si l’action dépasse un certain seuil (typiquement, 125% du cours de conversion). Autrement dit, cela plafonne le gain potentiel des investisseurs, qui ont certes une plus-value, mais se retrouve avec un profil de risque « actions » désormais. Sans le soft call, ils pourraient profiter de la hausse avec un coussin lié à

L’évolution du cours d’une obligation convertible

Titre hybride, elle évolue tantôt comme une action, tantôt comme une obligation. Tout dépend de la probabilité d’exercer la conversion.

  • Si le cours de l’action est très en dessous du nominal de la convertible, alors elle se comporte comme une obligation. La composante « action » est quasi insignifiante. Elle se comporte comme une obligation à taux fixe ou à taux variable, selon ses caractéristiques.
  • plus le cours de l’action est proche ou au dessus du cours de conversion, plus elle ressemblera à une action, mais avec le coussin de sécurité du bond floor.

Les obligations convertibles sont donc influencées par les marchés de taux et de crédit pour la partie obligataire et par le marché actions pour la partie optionnelle (et même, par la volatilité pour la valeur de l’option).

Les spécialistes disent qu’une obligation convertible, c’est la somme de :

  • une obligation à taux fixe sûre type OAT
  • un call sur l'action
  • un CDS (produit dérivé qui permet de s’exposer au risque de crédit d’une entreprise)

Comme le dit un gérant de fund :

« Buy a convertible, hedge the rate, hedge the credit, and you’ve got a cheap call » (achetez une convertible, couvrez les taux, couvrez le crédit, et vous avez un call pas cher).

En réalité, c’est un peu plus compliqué que ça, mais c’est l’idée !

En résumé

En investissant dans une obligation convertible, on accepte d’avoir une performance moindre que celle de l’action pour en contrepartie être protégé en cas de baisse de celle-ci…

Pour l’investisseur, il faut regarder :

  • la distance entre le cours actuel et le strike : peut-il compter sur une conversion ?
  • l’écart entre le cours de l’obligation convertible et la valeur de remboursement, et les coupons : dans le cas défavorable (l’action n’atteint pas le strike), quel rendement actuariel pour l’opération ?
  • la santé financière de l’émetteur : quel est le risque de non-remboursement ? L’entreprise peut-elle financer le remboursement avec sa trésorerie ? Va-t-elle devoir émettre une autre obligation pour rembourser celle-ci ? La transformation en action est-elle sa seule porte de sortie ?

Du point de vue de l’émetteur : une logique de financement pas cher en échange d’une possible dilution.

Quel est l’intérêt pour une entreprise d’émettre de obligations convertibles ?

Le premier avantage c’est le coût : les coupons sont moins élevés que pour un financement classique. Mais surtout, si le call est exercé, l’entrprise ne déboursera pas de trésorerie pour payer le remboursement des obligations. Elle remboursera les investisseurs en actions, c’est-à-dire en créant sa propre monnaie.

En revanche, l’inconvénient est lié à la dilution. Si les actions sont nouvelles, elle fera entrer de nouveaux investisseurs au capital. Les créanciers obligataires deviendront actionnaires, ils auront donc leur siège à l’assemblée générale, voteront… et auront une part des bénéfices.

Pour ces raisons, l’entreprise qui émet des obligations doit considérer que c’est une augmentation de capital en différé… qui ne se réalise que si l’action monte (donc quand les choses vont plutôt bien, ce n’est pas un plan B pour quand l’entreprise va mal et a besoin de trésorerie). Cette augmentation de capital différé se fait, si les choses se passent bien (du point de vue de l’entreprise), à un cours de l’action supérieur à celui en vigueur au moment de l’émission, car les cours de conversion des convertibles sont toujours à un niveau plus élevé que l’action (= avec une prime)

Les entreprises fragiles aiment les obligations convertibles car cela leur permet de repousser les échéances de remboursement. Faibles coupons, capital optionnel à rembourser… elles peuvent afficher de jolis ratios financiers.

C’est côté actionnaire que la lecture des comptes est plus difficile… Car des ratios intéressants (PER faible, etc) en première lecture peuvent être faussés par la présence de dilution future probable ! Les droits de vote et les bénéfices seront partagés entre un plus grand nombre d’actionnaires. Comprendre les motivations de l’entreprise permet de comprendre le potentiel de l’obligation

Avec les convertibles, il faut forcément s’intéresser à l’entreprise, à cause de cette composante action. Pourquoi a-t-elle émis des convertibles plutôt qu’une dette traditionnelle ? Quel est son plan ? Ces questions ne se posent pas forcément pour une obligation classique, mais sont ici fondamentales.