Le TRI, pour faire du TRI sélectif
Vive la blague…
Le Taux de Rentabilité Interne est un outil de décision et de TRI sélectif lorsque l’on compare des placements.
Ce n’est pas une fin en soi, il ne suffit pas de classer et de comparer, ca serait trop facile…
Si vous êtes du genre impatient, vous pouvez commencer par cette page :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Taux_de_rentabilit%C3%A9_interne
Sinon, on continue.
Comment on calcule ?
Avant de sortir les formules, il faut comprendre l’esprit de la chose.
Il faut raisonner en intuitif et ne pas faire comme tous ces jeunes ingénieurs costume rayé-montre blingbling-boutons de manchette.
Il y a énormément de définitions et de manière de retourner la formule.
Je n’en mentionnerai qu’une, adaptée à ce qui nous intéresse : savoir si des obligations sont intéressantes ou pas.
Voilà une petite définition perso :
Le TRI est le taux d’actualisation implicite qui relie l’ensemble des flux à recevoir au prix d’achat.
Avant de sortir la formule, je vais tenter de vous expliquer de façon intuitive comment ca fonctionne.
Pour une obligation zéro coupon
C’est le plus facile :
Pour une obligation zéro coupon, le TRI est le taux, en équivalent annuel, tel qu’un placement sur la durée, avec intérêts composés, mène au capital final.
(si vous ne savez pas ce qu’est une zéro coupon, allez voir la page sur les obligations zéro coupon)
- Exemple 1 :
Si une obligation zéro coupon est remboursée 100 dans un an, et cote 95 aujourd’hui :
TRI = 5.26% car 95 * 1.0526 = 100
- Exemple 2 :
Une obligation zéro coupon cote 80 et sera remboursée 100 dans trois ans et demi.
On gagne 100/80-1 = 25% de plus-value en trois ans et demi.
Le rendement annuel est donc : 1.25 ^ (1 / 3.5) -1 = 6.583%
Pourquoi ? Car 80 placés à 6.583% pendant trois ans et demi donnent :
80 * (1.06583^3.5) = 100.
Donc, pour trouver le TRI, on fait : (100/80)^(1/3.5) – 1 = 6.583%
Les premiers problèmes.
J’ai fait le calcul avec une puissance pour le nombre d’années.
On peut penser que comme on a trois ans et demi, on devrait pouvoir faire :
80 * 1.06583 * 1.06583 * 1.06583 * 1.0329 mais cela donne…
= 100.05 ! Problème…
C’est lié aux normes de calcul de taux. Quand on fait des TRI, on raisonne en taux actuariel (destiné à prendre en compte l’effet « capitalisation », la magie des intérêts composés). Donc, à cause de l’année « rompue », on ne peut pas comparer des taux actuariels à des taux faciaux (destinés à savoir quel coupon on reçoit).
Pour ce qui nous concerne (investissement en obligations), on utilise le :
- taux facial, ou taux nominal (indiqué sur le prospectus) pour déterminer les coupons qu’on va toucher
- taux actuariel (obtenu par le calcul) pour comparer les placements entre eux.
Conclusions (très personnelles)
- On a le droit aux approximations tant qu’on est constant dans sa méthode. Le principe même de TRI est une approximation (on le verra plus tard).
- Lorsqu’on a un gain unique à une date fixe dans le temps, on utilise la fonction puissance avec le nombre d’années inversé : on trouve le rendement équivalent annuel, et ca revient au même que d’utiliser la fonction TRI.
- Si on veut faire de tête un calcul pour une zéro coupon, on peut simplement diviser ce qu’on gagne par le nombre d’années, et enlever « un peu ». Dans le deuxième exemple, ca donnerait 25%/3.5 = 7.14%. Le « un peu » est lié à l’intérêt composé
Le TRI d’une obligation à taux fixe
Ah là là, ca se complique.
On va commencer simple, on prend le scénario du zéro coupon et on rajoute un coupon intermédiaire.
Aujourd’hui | -90 | Achat de l’oblig |
Dans un an | +4 | Premier coupon |
Dans deux ans | +104 | Restitution du capital + coupon final |
On paye 90, et on reçoit en échange 4 dans 1 an et 104 dans deux ans.
Calculer le TRI revient à se poser la question « A combien on a placé ? »
On peut commencer par dire qu’on gagne 15.6% (104/90) en deux ans grâce au capital et au coupon final, donc le taux sera environ de 7.5%.
Mais là, j’oublie que je reçois aussi 4 : en réalité, je gagnerai aussi 4 au bout d’un an, que je pourrai replacer. Mettons que je veuille les récupérer à la fin, et que je les replace à 4% pendant la deuxième année.
4 * 1.04 donnent 4.30
Sous cette hypothèse, le tableau de flux initial est donc équivalent à un tableau de flux zéro coupon qui donne 108.30 dans deux ans.
Aujourd’hui | -90 | Achat de l’oblig |
Dans deux ans | +108,4 | Restitution du capital + coupon final + premier coupon que l’on a décalé (replacé) pendant un an |
On gagne donc 108.30 / 90 = 20.33% deux ans, soit 9.7% de taux annuel si c’était un zéro coupon (taux obtenu en faisant 1.2033^(1/2) )
La formule du TRI (que je ne vous ai pas encore donnée), donne 9.75% !
Conclusion : Pour les obligations simples, on peux facilement approximer un TRI de tête !
NB : le coup du replacement du coupon intermédiaire a un impact mineur, si on est pressé, on peut se contenter de prendre tous les coupons intermédiaires, de les ajouter à la fin, et de rajouter « un peu plus » pour matérialiser l’effet de capitalisation des coupons.
Principes fondamentaux, vrais pour toute obligation
En investissant dans une obligation, on gagne :
+ la différence entre ce qu’on paye et ce qu’on recevra à l’échéance (gain en capital + intérêt final)
+ et les coupons intermédiaires.
Donc le TRI est formé par :
+ le TRI obtenu sur la partie « zéro coupon » (écart entre cours d’achat et valeur de remboursement + intérêt final)
+ un « bonus » lié aux coupons intermédiaires.
On peut aussi voir le problème de l’autre côté :
Le TRI est formé par :
+ les coupons (4% par an dans notre exemple)
+ le gain sous forme de plus-value (on passe de 90 à 100 dans notre exemple, soit 11% en deux ans, de tête, ca fait un peu plus de 5% par an, mettont 5,4%)
Soit un TRI estimé de 5,4 + 4 = 9,4% par an, encore une fois, on est proche du TRI réel.
Ce qui influe sur le TRI
- La décote par rapport au nominal : plus un titre est décoté, plus le gain sera fort, donc plus le TRI sera élevé.
- La valeur des coupons (en %) : plus le coupon facial est élevé, plus le TRI sera fort.
- La durée jusqu’à maturité. Si on cote en dessous du pair, on a tout intérêt à recevoir le capital rapidement. En décote, une maturité courte augmente le TRI. A l’inverse, si on cote au-dessus du pair, on va réaliser une moins-value à l’échéance, une échéance proche nous est défavorable. En surcote, une maturité courte diminue le TRI.
L’idéal pour maximiser le TRI est donc de trouver des obligations à fort coupon facial, en décote, et ayant une maturité courte…
Evidemment, sur le marché, à maturité équivalente, les obligs à plus forts coupons cotent en général davantage que les faibles coupons… Tout se compense à peu près…
Mais, n’oublie-t-on pas quelque chose ?
Un facteur externe au TRI : la durée de placement
Je préfère trouver un placement à un TRI de 10% qui dure 5 ans, plutôt que de placer à 12% pendant un an seulement.
De la même manière qu’ING Direct fait des promotions à 6% pendant 3 mois, certains assureurs-vie vendent obligs à un TRI intéressant, mais sur deux ans : ce sont des produits d’appel !
Là, comme pour le risque de crédit, ce n’est pas mathématique, mais de l’appréciation personnelle, selon ses objectifs personnels. Arrivé à cette étape, on sent déjà que comparer des placements sur la simple base du TRI n’est pas très judicieux.
Calculer le TRI avec un tableur
Il vous faut d’abord créer le tableau de flux de l’obligation.
Dans une colonne, mettez la date du jour, les dates de paiement des coupons, et l’échéance finale.
Dans l’autre colonne, mentionnez les montants reçus (en positif) ou payés (en négatif) ces jours.
Ensuite, c’est tout simple :
- Dans Excel : TRI(Zone des Montants, Zone des Dates)
- Dans OpenOffice : TRI(Zone des Montants, Zone des Dates)
- Dans les tableurs anglophones (Google Documents par exemple), c’est pareil avec XIRR(…)
Souvent, on peut rajouter en dernier paramètre (facultatif) une « estimation ». Comme le tableur fonctionne par itérations, lui dire par où commencer peut accélérer le calcul. Dans les faits, les calculs obligataires sont assez simples et n’en ont pas besoin.
Pour illustrer ceci, je vous ai mis un petit fichier Excel de démo, qui calcule le taux de rendement interne de l’obligation EDF 4,5% 2014.
Fichier d’exemple du calcul du TRI pour l’obligation EDF 2014

Le ficher est facile à adapter… Vous pouvez même vérifier vous-même les rendements calculés par Fininfo
En revanche, en sortant des sentiers battus, vous pouvez être confrontés à quelques interrogations. Voici quelques « trucs perso ». Ce n’est peut-être pas ce qui se fait partout, mais c’est ma manière d’estimer les rendements.
Comment estimer les coupons d’une obligation à taux variable ?
La solution « pro » c’est de prendre les taux « forward » pour chaque échéance. Dans les faits, ce n’est pas très accessible à un investisseur particulier. Alors je vous suggère :
- si l’on cherche à estimer les Euribor : on peut les remplacer par un taux fixe unique sur toute la période. Allez voir les taux des OAT sur fininfo, et prenez l’OAT de la durée de vie résiduelle de l’obligation. Interpolez au besoin. N’oubliez pas de rajouter la marge (le spread) sur Euribor, sur chacun des coupons. Ca donnera une assez bonne estimation de la moyenne des Euribor sur la période.
- si l’on cherche à estimer des CMS : c’est plus dur… Prendre le CMS du jour (sur les pages d’indicateurs éco de Dexia par exemple) et le garder jusqu’à la fin n’est pas une trop mauvaise estimation, selon mon avis.
Comment faire pour une obligation perpétuelle ?
Là, la formule ne peut pas calculer de TRI, car il on ne peut pas écrire tous les flux.
Ce qu’il faut faire est simple : on divise le coupon par le cours. On obtient alors un rendement « instantané », de même ordre que celui qu’on calcule sur les actions.
C’est normal d’obtenir un rendement supérieur (en général, 1 à 2%) à celui d’une obligation « à échéance connue », car on dépend des conditions de marché pour retrouver son capital. Le rendement supérieur correspond au risque à la revente.
On peut aussi faire un scénario avec un exercice du call (l’émetteur rappelle les obligations au pair), ce qui sert alors de remboursement. Le TRI est souvent très supérieur : c’est le scénario optimiste.
Et pour une obligation convertible ?
Ce que je fais en priorité : je calcule le TRI en faisant l’hypothèse d’un remboursement du capital au nominal (c’est à dire, pas de conversion en actions). C’est l’hypothèse pessimiste, qui permet de trouver un rendement équivalent à une obligation corporate.
On arrive en général sur un rendement inférieur à celui d’une obligation « pure » du même émetteur, le sous-rendement étant compensé par la participation à la hausse de l’action.
Les obligs indexées sur l’inflation ?
Là, on estime… Ce n’est pas facile, en général, je fais un scénario pessimiste, où l’inflation est à 0 pour voir le rendement « minimum garanti », et puis on peut faire plein de scénarios…
Si on veut étudier sérieusement l’inflation, il y a un site de référence : http://inflation.free.fr
Et comment on gère la fiscalité ?
On a le tableau de flux, il suffit d’ajuster les coupons et le montant final pour tenir compte de la fiscalité sur la plus-value de remboursement. On s’aperçoit souvent que le rendement net rémunère difficilement le risque pris !
Voilà, ici s’achève ce petit tour d’initiation au TRI – le Taux de rendement interne…
Les idées principales sont :
- C’est une notion approximative, il n’y a pas de mal à être intuitif
- A chacun de se fixer des limites de « intéressant/pas intéressant »
- C’est une bonne idée d’avoir une « base d’obligs » dans un tableur, à mettre à jour de temps en temps pour choisir la plus intéressante.
- C’est utile de suivre le TRI des obligs que l’on a en portefeuille. Lorsqu’il devient inférieur à un certain seuil, il faut vendre et aller ailleurs !
J’espère que c’est plus clair pour ceux qui ne connaissaient rien de tout cela ; les commentaires sont ouverts !