Un avertissement : en tant que particulier, il est difficile et souvent peu pertinent d’acheter des obligations.
C’est difficile
Les obligations sont présentées comme étant un produit difficile d’accès, risqué, réservé aux professionnels. A tort. Et peut-être délibérément ?
Le marché reste hostile aux particuliers. On les cantonne au fonds en euros ou aux OPCVM, on leur dit que les obligatoins c’est pour les pros.
La raison est simple : il est plus facile de vendre des actions au public. Ca bouge, ca donne l’espoir de grands gains, ça semble « plus facile » si l’on reste superficiel (et c’est plus compliqué si l’on rentre dans les détails). Et surtout, ça rapporte des frais de courtage.L’investisseur qui achète une obligation et la garde 10 ans ne rapporte rien. Il paye peu de courtage et surtout ne paye pas de frais de gestion tout au long de sa vie. Et ça, ça ne nourrit pas les banquiers.
C’est souvent peu pertinent
Sur les papier, les obligations ont beaucoup de choses pour plaire : un revenu régulier sûr, un remboursement à date connue.
En pratique, si vous espérer être rémunéré pour prêter à votre entreprise préférée, vous allez déchanter. D’abord parce que les taux sont sans doute plus bas que ce que vous imaginez. En effet, en tant que particulier, vous avez accès aux livrets réglementés, au fonds en euros de l’assurance-vie, éventuellement à des livrets à taux préférentiel… Votre base de comparaison est donc biaisée par ces produits grand public subventionnés. Sur le marché obligataire, les taux sont les « vrais » taux de marché. Il va falloir recalibrer vos attentes. Et c’est sans compter la Flat Tax qui viendra amputer les gains (coupons et éventuelle plus-value) de 30%.
Si toutefois vous persistez, je vous présente les 4 solutions :
- Acheter des obligations en direct, sur le marché primaire ou secondaire
- Acheter un OPCVM obligataire (fonds activement géré ou ETF passif)
- Acheter un fonds en euros
- Souscrire à une dette en crowdfunding
1. Acheter des obligations en direct
C’est l’idée la plus logique : pour mixer actions et obligations dans son portefeuille, on se connecte sur le site de son courtier en bourse, on trouve la bonne obligation et on l’achète. Oui mais. Ce n’est pas si simple.
Souscrire sur le marché primaire (à l’émission)
Sur le marché primaire, l’entreprise s’adresse directement aux investisseurs institutionnels (OPCVM, banques, assurances…). En effet, il est extrêmement coûteux pour un émetteur d’obligations de proposer des obligations via les réseaux bancaires. Les conseillers clientèle doivent être formés, commissionnés sur les ventes, la documentation (prospectus et avis d’émission) doivent être adaptés au grand public… Beaucoup d’entreprises refusent les coûts associés à une telle distribution.
Outre les réseaux bancaires, les réseaux de Conseillers en Gestion de Patrimoine (CGP) proposent parfois de telles offres à leurs clients. Ils les réservent à leur clientèle fortunée, compte tenu des coûts fixes associés, et de la nécessaire diversification : les nominaux standard sur le marché obligataires sont de l’ordre de 50 000 EUR. Et puisqu’un défaut a des conséquences désastreuses, la diversification est obligatoire.
Dans la grande majorité des cas, les obligations sont destinées aux institutionnels, et les investisseurs particuliers ne peuvent que lire les communiqués de presse (« rapidement sursouscrite » revient souvent !) et se sentir frustrés en regardant les taux.
Acheter sur le marché secondaire (obligations déjà émises)
Le maché des obligations est très actif entre institutionnels, qui s’échangent de gré à gré des « blocs » de plusieurs millions d’euros d’obligations, et assez peu actif sur les marchés boursiers cotés comme Euronext. Sur Euronext, on ne récupère que les miettes !
Cependant, cette faible activité, et le désintérêt global de la communauté des investisseurs permettent à qui prend la peine de dénicher des véritables pépites.
Il convient d’abord d’ouvrir un compte-titres (voir ma sélection de brokers sur le marché obligataire), de sélectionner une série d’obligations intéressantes, et d’attendre qu’elles se présentent à un prix correct. Selon les cas, cela peut arriver tous les jours comme une fois par an. Avec de la persévérance, l’on peut alors arriver à des rendements bien supérieurs que ce qui est proposé sur le marché primaire. L’absence de liquidité sur le marché secondaire n’est pas un problème si l’on a défini correctement sa durée d’investisement et si l’on choisit de détenir l’obligation jusqu’à son remboursement : tous les paramètres sont alors fixés. Le réel gain se fait à l’achat, ensuite, il ne reste plus qu’à « laisser courir ».
Les cours des obligations
Vous n’aurez pas de mal à trouver le cours du jour (et enccore, les carnets d’ordres sont généralement faux). En revanche, pour les historiques de cours, il faudra vous armer de patience. Mais de toutes façons, ce n’est pas très grave. Avec les obligs, on achète le futur, pas le passé !
Les taux
Si votre obligation est à taux variable ou révisable, vous aurez besoin de connaître les taux adéquats. Fort heureusement, les Euribor sont assez simples à trouver. Et les CMS, même si vous n’avez pas d’historique, vous avez le spot chez SEB Groupe (lien : taux des swaps). Pour mémoire, le CMS 10 ans, c’est le Constant Maturity Swap 10 ans, donc le swap qui ne « glisse » pas.
Les prospectus
N’achetez jamais une obligations sans avoir lu son prospectus, ou son offering memorandum. Il recueille toutes ses caractéristiques financcières. Il vous le faut absolument si l’obligation est un tant soi peu complexe. Il peut être difficile de trouver les informations sur les sites Euronext ou chez votre courtier. Parfois, ceratins les font payer ! Heureusement, ils sont souvent disponibles chez les émetteurs. Pour les titres très anciens, il faut fouiller mais on les trouve sur le web. Allez voir dans ma section TP 🙂
Avec quel courtier acheter des obligations ?
En grand public, vous aurez accès à Euronext sur Fortuneo (donc Paris mais aussi Amsterdam qui est assez riche en obligations).
Les courtiers grand public ne donnet pas accès au Luxembourg.
Les soucis que vous aurez un jour ou l’autre
Acheter des obligations en tant que particulier, c’est parcourir un chemin peu fréquenté. Vous allez au devant de déconvenues telles que :
- Ticket d’entrée élevé : à vérifier en premier avant d’étudier un bond. Inutile de faire tout le travail si le nominal est trop élevé pour vous. N’allez pas au-delà de vos moyens, même si vous avez l’opportuité de siècle n’oubliez pas que le risque des obligs est asymétrique. En cas de perte vous perdez tout. Allez sur des nominaux qui vous permettent une diversification, que votre seuil se situe à 1000, 100 000 ou 1 million d’euros.
- Des mauvais traitement informatiques chez le courtier. Enervant mais généralement cela se corrige car la place de marché et la chambre de compensation savent gérer. Vous serez peut-être le premier à tester les circuits de routage d’ordres de votre courtier, mais les bourses en ont vu d’autres.
- Des mauvais traitements fiscaux (retenues à la source lorsqu’il n’y en a pas, etc.). Là, prenez votre mal en patience 🙂
Acheter des obligations via un OPCVM (actif ou passif)
Les OPCVM obligataires classiques
C’est sur le papier une bonne solution :
- le gérant a accès au marché d’institutionnels, il peut acheter des obligations à ticket élevé
- la diversification est assurée
Cependant, un OPCVM obligataire n’a pas le même profil qu’une obligation unique.
En effet, le gérant d’un OPCVM a généralement un objectif de maturités. Par exemple, il se concentre sur les obligations ayant entre 7 et 10 ans à courir.
Dans ce cas, il peut acheter des obligations à 8 ans mais les revendra au bout d’un an pour acheter de nouvelles obligations correspondant à sa fourchette.
De même pour le risque de crédit : un gérant dont le mandat est la gestion d’un portefeuille « Investment grade » ne pourra pas conserver des obligations dont la qualité s’est détérioriée. Il les vendra donc à perte, là où l’investisseur indivuduel pourra les conserver jusqu’à l’échéance si il espère une issue favorable
Ce mode de gestion a des conséquences sur les risque des obligations :
- les OPCVM obligataires ont une sensibilité à peu près constante au rsique de taux, là où l’investissement en direct a une sensibilité décroissante
Et les ETF ? Ils ont les mêmes écueils, et même encore plus strictement puisque leur mandat est de répliquer un indice. Ils sont donc totalement dépendant de la formule de l’indice. Ils ne peuvent, comme c’est parfois le cas, acheter une souche obligataire un peu décotée car moins liquide.
Ainsi, si les ETF sont généralement une meilleure opportunité que les OPCVM actifs grâce à leur frais plus bas, sur le marché obligataire c’est un peu différent. Mieux vaut un gérant actif à frais faibles mais qui a quelques marges de manoeuvre qu’un ETF. C’est rarement vrai sur les actions, mais sur les obligations cela peut valoir la peine.
Le gros avantage des ETF, c’est qu’il est très simple et très rapide de jouer la baisse des taux. Un indice long et le tour est joué, citons par exemple :
- MTF : Lyxor Euro Government Bond 15+Y (DR) UCITS ETF
Liquide, il a une sensibilité au taux comprises entre 10 et 15. Si vous anticipez une baisse des taux, chaque pourcent de baisse vous offrira entre 10 et 15% de plus-value, toutes choses égales par ailleurs. Cela fonctionne aussi dans l’autre sens, évidemment.
Les OPCVM à échéance (millésime)
Le principe des ces OPCVM :
Le gérant achète un panier d’obligations ayant une échéance proche. Elles ont vocation à être conservées par le fonds et conservées à échéance. Lorsque la dernière est remboursée, le fonds est liquidité et son capital est distribué entre les investisseurs.
Ces fonds sont une bonne alternative aux OPCVM classiques. Néanmoins, ils sont assez rarement proposés, et leurs frais sont souvent assez élevés. Par conséquence, les gérants les destinent aux obligations à haut rendement, risquées. Le risque de perte en capital est assez élevé même si la formule est séduisante.
Souscrire sur le marché primaire via une assurance-vie
Les assureurs proposent de plus en plus ce type d’obligations . Elles sont alors intégrées dans le contrat sous forme d’unités de compte, tout comme les parts d’OPCVM que l’on peut souscrire aux côtés du fonds en Euro. Les assureurs-vie achètent alors en gros sur le marché primaire, et revendent au détail. Ils y trouvent beaucoup d’avantages :
- une commission de distribution de la part des émetteurs
- ils n’ont pas à proposer une garantie du capital comme ils doivent le faire lorsque l’on investit sur le fonds en Euros
- ils ont l’occasion de faire beaucoup de communication sur ces offres
- ils peuvent imposer des critères d’investissement commercialement intéressants (minimums de souscription par exemple)
L’investisseur y gagne sur les aspects :
- fiscaux : la fiscalité de l’assurance-vie est plus avantageuse que celle des obligations en direct, y compris après frais
- pratiques : on souscrit des unités de compte et pas des obligations, on peut ajuster plus finement les montants
- patrimoniaux : on continue à bénéficier des avantages de l’assurance-vie en matière de transmission, nantissement, etc.
L’offre de telles assurances-vie est actuellement rare, mais en croissance forte.
3. Acheter un fonds en euros pour son allocation obligataire
C’est sécurisé, c’est majoritairement des obligations.
Mais cela n’a pas le même profil de risque : on est proche du Livret (rendement annuel) et pas d’un produit de marché.
Il est par exemple impossible de :
- tirer profit d’une baisse des taux
- tirer profit du « flight to quality », phénomène qui tent à faire monter les obligations lorsque les actions baisse, et réduit donc la volatilité d’un portefeuille
4. Acheter des obligations en crowdfunding
Taux élevé mais entreprises de mauvaise qualité dont les banques ne veulent pas.
Structure défavorable aux investisseurs (on voit souvent des allongements de maturités, etc.) et opacité (on a pas accès au contrat comme une obligations normale).