Clause de rappel anticipé (call) : définition, risques et exemples

Clause de rappel anticipé : comment l’interpréter en tant qu’investisseur ?

Une clause de rappel (ou "call") permet à l’émetteur d’une obligation de la rembourser avant la date d’échéance contractuelle. Autrement dit, il peut décider de solder sa dette plus tôt que prévu.

Cette clause est asymétrique : seul l’émetteur peut l’activer. L’investisseur, lui, ne peut pas exiger un remboursement anticipé. C’est donc une option en faveur de l’émetteur, qui peut décider de rappeler l’obligation si cela lui est avantageux (baisse des taux, refinancement, stratégie financière).

L'essentiel

  • Ne profite qu’à l’émetteur, jamais à l’investisseur.
  • Active à partir d’une date précise ou sous conditions définies.
  • Souvent utilisée en cas de baisse des taux ou de spread.
  • Réduit la visibilité pour l’investisseur.
  • Rend crucial le calcul du Yield to Worst (YTW) pour évaluer son risque.

Pourquoi les émetteurs intègrent-ils des clauses de rappel ?

  • Se refinancer à moindre coût : si les taux baissent, l’émetteur a tout intérêt à rembourser ses anciennes dettes à taux élevé et en émettre de nouvelles à taux plus bas.
  • Optimiser sa structure financière : cela permet d’adapter la dette à sa stratégie (réduction du passif, flexibilité bilancielle).
  • Améliorer ses ratios financiers : sortir une dette onéreuse peut améliorer les notations de crédit ou les covenants bancaires.

Pour l’investisseur : un risque à ne pas sous-estimer

La clause de rappel est un risque de réinvestissement : vous perdez votre placement "confortable" (obligation bien rémunérée) plus tôt que prévu, précisément au moment où les taux ont baissé… et où il est difficile de replacer cet argent aussi bien.

Les conséquences sont :

  • Rendement global affaibli : vous êtes remboursé à 100% quand vous espériez conserver un coupon élevé plus longtemps.
  • Réinvestissement à des conditions défavorables : on se retrouve à devoir replacer dans un marché à taux bas.
  • Durée incertaine : la maturité "contractuelle" est souvent fictive. Il faut raisonner en durée "callée".

👉 Cas pratique :

Une obligation à échéance 2033 avec un call en 2028 et un coupon de 6%. Si elle est rappelée en 2028, votre rendement n’est pas celui calculé à 2033, mais celui à 2028. Il faut donc calculer le Yield to Worst (YTW), c’est-à-dire le rendement le plus faible entre la maturité et la première date de call.

En outre, le cours d'une obligation callable à 100 (au pair) ne progressera jamais au-delà de 100, car l’investisseur sait qu’il sera remboursé à cette date. Il n’y a donc pas ou peu de potentiel de hausse et ce même si les taux baissent.

Types de clauses de rappel anticipé

  • Call fixe : l’émetteur peut exercer le rappel à une date précise (souvent 5 ou 10 ans après émission).
  • Call échelonné : plusieurs fenêtres d’appel (par exemple tous les ans après une période initiale).
  • Make-whole call : si l’émetteur rembourse avant terme, il doit verser une indemnité compensatoire (calculée à partir du taux d’un benchmark + marge). Moins pénalisant pour l’investisseur.

👉 Conseil : privilégier les obligations avec make-whole call si vous voulez plus de sécurité sur votre rendement.

Quelle différence entre une clause de type "make-whole" et une clause de rappel classique ?

Il existe deux grandes familles de clauses de rappel :

1. Call provision classique (rappel à une date fixe)

  • L’émetteur peut rappeler l’obligation à une date précise (ex : à partir du 5e anniversaire).
  • Le prix de remboursement est souvent de 100 % du nominal, parfois majoré d’une petite prime.
  • Pas de compensation pour l’investisseur si les taux ont beaucoup baissé.
  • Risque de perte de rendement réel élevé si vous pensiez conserver l'obligation plus longtemps.

👉 Typique des obligations perpétuelles ou subordonnées.

2. Clause "make-whole"

  • L’émetteur peut rembourser à tout moment, mais doit payer une indemnité compensatoire.
  • Cette indemnité est calculée pour que l’investisseur reçoive l’équivalent des flux d’intérêts perdus.
  • Le calcul est basé sur un taux sans risque (souvent le taux des Treasuries ou OAT) + marge (généralement 0,5% à 1%).

👉 Plus protectrice pour l’investisseur. Elle neutralise le préjudice du rappel anticipé.

En résumé

Caractéristique Call classique Make-whole call
Remboursement anticipé À date(s) fixe(s) Possible à tout moment
Prix de remboursement Souvent 100 % Supérieur à 100 %
Compensation pour l’investisseur Aucune Oui, calculée
Alignement des intérêts En faveur de l’émetteur Plus équilibré

Conseil : privilégiez les obligations avec clause make-whole si vous recherchez une visibilité longue durée. Elles protègent mieux le rendement contre les surprises.

Tendances historiques

  • Les clauses de rappel sont particulièrement fréquentes sur les obligations hybrides et les subordonnées.
  • Elles sont devenues la norme sur les obligations perpétuelles (TSDI, AT1 bancaires...).
  • Leur usage s’est intensifié en période de taux bas (2014-2021) car les émetteurs ont multiplié les rappels anticipés pour réduire leur coût de financement.
  • En 2023-2024, avec la hausse brutale des taux, les appels sont devenus rares, car le refinancement est plus coûteux.

👉 Exemple : Les obligations Tier 2 bancaires rappelées en masse en 2020-2021 ne le sont plus en 2024, car les taux de refinancement ont doublé.

Comment repérer la clause de call dans les documents ?

Toujours lire :

  • Le prospectus (ou Offering Memorandum)
  • La term sheet (fiche de synthèse)
  • Les rapports des agences de notation (elles signalent souvent les clauses de call)

Recherchez les mentions :

  • "Callable"
  • "Call date"
  • "Make-whole"
  • "Optional Redemption"

👉 Outils pratiques :

  • Tapez le code ISIN + "prospectus" sur Google.
  • Consultez les sites de l’émetteur ou de l’AMF.

Bonnes pratiques pour l’investisseur particulier

  • Ne jamais investir dans une obligation avec clause de call sans avoir identifié la première date possible de rappel.
  • Toujours calculer le YTW : rendement à la première date de rappel. C’est souvent lui qui se réalisera.
  • Intégrer ce risque dans sa stratégie de portefeuille : les obligations avec call ne doivent pas représenter 100% de votre allocation si vous cherchez des flux longs.
  • Utiliser les obligations à call pour des arbitrages tactiques : si vous anticipez une baisse des spreads ou si vous pariez sur un non-rappel (ce qui augmente le rendement).

On récapitule

La clause de rappel anticipé est un avantage pour l’émetteur, mais un risque pour l’investisseur. Elle limite la durée réelle du placement et peut brider le rendement si les conditions de marché changent.

Pour s’en prémunir :

  • Apprendre à lire les documents obligataires
  • Calculer les bons indicateurs (YTW)
  • Diversifier son portefeuille et ne pas surpondérer les obligations "callables"

Si une obligation offre 6% de rendement à l’échéance mais seulement 4,2% à la date de call dans 3 ans, vous devez raisonner comme si vous alliez gagner 4,2%, pas 6%.

Mettez toutes les chances de votre côté : méfiez-vous des rendements affichés trop beaux pour être vrais – ils ne tiennent souvent pas compte du risque de rappel.

Terme en anglais : Call, Call provision, make whole call

Photo Nicolas Pérot

Nicolas Pérot

Ancien trader sur produits de taux d’intérêt et responsable des émissions obligataires de grandes entreprises, je partage ici mon expertise sur les obligations. Mon objectif ? Démystifier ce marché et apporter de la valeur à tous, du débutant à l’investisseur chevronné.

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