Les High Yield Bonds, Junk Bonds, obligations spéculatives : définition et fonctionnement

Qu'est-ce qu'une obligation à haut rendement (High Yield) ?
Une obligation à haut rendement, ou High Yield Bond, est une obligation émise par un emprunteur considéré comme risqué par les agences de notation. Elle est également désignée par l'expression familière de Junk Bond, qui souligne le risque accru de défaut associé à ce type d'émetteur.
Concrètement, une obligation est considérée comme "non investment grade" lorsque la note attribuée à l’émetteur est inférieure à :
- BBB- chez Standard & Poor’s ou Fitch
- Baa3 chez Moody’s
Ce sont donc des titres classés en catégorie spéculative. Pour compenser ce niveau de risque, les obligations HY offrent un taux d’intérêt sensiblement plus élevé que les titres dits sûrs, comme les emprunts d’État notés AAA. Le rendement supplémentaire perçu par l’investisseur est matérialisé par un spread de crédit important.
Les émetteurs de ces obligations peuvent être :
- des entreprises en croissance rapide mais peu capitalisées
- des sociétés en difficulté temporaire ou structurelle
- des émetteurs historiques à la structure financière fortement endettée
- des véhicules d’investissement spécialisés dans le financement de projets risqués ou de LBO
Attention : la note ne suffit pas à elle seule à évaluer le risque. Aux États-Unis, toute entreprise ayant un chiffre d’affaires inférieur à 35 millions de dollars est par défaut notée en catégorie spéculative, ce qui regroupe des situations très diverses, allant de la PME saine à la start-up sous tension financière.
Historique et développement du marché des junk bonds
Le marché des obligations à haut rendement a émergé dans les années 1970. La première émission classée HY a été structurée en 1977 par la banque Bear Stearns. Mais c’est dans les années 1980 que ce marché prend son essor.
L'acteur majeur de cette décennie est Michael Milken, surnommé le « Junk Bond King », à la tête du département High Yield de la banque Drexel Burnham Lambert. Milken a contribué à rendre les émissions spéculatives accessibles, en canalisant l'épargne vers des entreprises exclues du crédit bancaire traditionnel ou souhaitant éviter l’émission d’actions.
Le marché explose : jusqu’à 30 % des obligations d’entreprise émises aux États-Unis sont alors classées en catégorie High Yield. Toutefois, les abus s'accumulent. De nombreuses émissions servent à financer des acquisitions douteuses ou des stratégies de croissance agressives sans fondements solides. Le marché connaît alors une crise majeure en 1989, marquée par des défauts en cascade, des accusations de manipulation et la faillite de Drexel.
En Europe, des institutions comme le Crédit Lyonnais ont également été touchées, notamment via l’affaire Executive Life, une opération de rachat d’un portefeuille de junk bonds américains par une filiale du groupe bancaire français. Cette affaire a eu des répercussions politiques et judiciaires jusqu’au plus haut niveau de l'État.
Le marché rebondit dans les années 1990. Les financements de LBO (Leverage Buy-Outs) ou les besoins de refinancement de sociétés non cotées alimentent de nouvelles émissions. La crise de 2001–2002 liée à l’éclatement de la bulle internet remet temporairement ce marché en pause, tout comme la crise financière de 2008.
En 2010, le grand public européen entend à nouveau parler des obligations HY lorsque la Grèce, confrontée à une crise de sa dette souveraine, voit sa note dégradée en catégorie spéculative.
Quel rôle dans un portefeuille obligataire ?
Les obligations à haut rendement ont un rôle spécifique. Elles apportent :
- du rendement, dans un environnement de taux bas
- de la diversification, car leurs performances sont partiellement décorrélées des obligations souveraines
- un profil de risque/rendement asymétrique intéressant pour des portefeuilles bien diversifiés
En revanche, elles exposent à :
- une forte volatilité en cas de tensions sur les marchés
- un risque de défaut supérieur à la moyenne
- une liquidité parfois très réduite sur certains émetteurs
Le marché High Yield est cyclique. Il surperforme souvent en phase de reprise économique et peut fortement corriger lors des périodes de stress financier. Il nécessite une sélection rigoureuse des titres, voire une gestion active.
Rapport rendement/risque comparé aux actions
Historiquement, la classe d'actifs high yield a rapporté entre 6% à 8% selon les périodes, selon l'indice ICE BofA US High Yield, avec une volatilité autour de 7 à 10%.
Comparé aux actions, dont le rendement dividendes inclus est autour de 9-10% avec une volatilité de 15 à 20%, le rapport rendement/risque du High Yield est défavorable. Le risque de défaut n'est pas toujours bien rémunéré et de nombreux investisseurs considèrent qu'il est opportun d'ignorer cette classe d'actifs. Les actions pour le gain en capital, les obligations pour la sécurité, pas de mélange des genres.
Le HY présente en effet quelques défauts structurels : risque asymétrique, moindre liquidité, comportement proche des actions mais sans phases euphoriques, et il souffre de "crowding" : beaucoup d’acteurs y vont pour le rendement affiché sans faire de sélection fine.
Faut-il investir en obligations High Yield ?
Les obligations High Yield ne sont pas à rejeter en bloc. Ce sont des instruments puissants lorsqu'ils sont bien compris. Pour un investisseur particulier, elles peuvent constituer un complément à une poche d'obligations plus sûres, à condition de :
- bien évaluer le risque crédit
- accepter une potentielle illiquidité
- ne pas se fier uniquement aux rendements affichés
Certains segments (BB only, ou short duration HY) ont parfois eu des profils Sharpe intéressants. À rendement élevé, exigence élevée. Le High Yield demande sélectivité, méthode et discipline !
Terme en anglais : High Yield Bond, Junk Bond, Non-Investment Grade Bond

Nicolas Pérot
Ancien trader sur produits de taux d’intérêt et responsable des émissions obligataires de grandes entreprises, je partage ici mon expertise sur les obligations. Mon objectif ? Démystifier ce marché et apporter de la valeur à tous, du débutant à l’investisseur chevronné.
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