Le risque de refinancement

Quand une obligation arrive à échéance, l’émetteur doit la rembourser. Il le fait soit avec sa trésorerie, soit en émettant une nouvelle dette.
Le risque de refinancement, c’est l’incertitude sur cette capacité à émettre de nouveau.
L'essentiel
- Dépend de la qualité de crédit et des conditions de marché.
- Plus important en période de stress financier.
- Peut causer un défaut même si l’entreprise est solvable à long terme.
Un exemple concret
Une entreprise a 200 M€ d'obligations qui arrivent à échéance en juin. Elle ne détient pas cette somme en trésorerie, mais anticipe de pouvoir réemprunter le même montant sur les marchés pour refinancer la dette.
Si, au moment prévu, le marché devient moins favorable (volatilité, retrait des investisseurs, hausse brutale des taux ou crise sectorielle), l’émission échoue ou ne peut se faire qu’à un coût prohibitif. L'entreprise, même si ses fondamentaux sont sains, se retrouve incapable d’honorer sa dette dans les temps. Le risque de refinancement a occasionné un risque de liquidité, et peut entraîner un défaut de paiement.
Ce que les analystes financiers regardent
- Le profil d’échéance : combien de dettes arrivent à maturité, à quelles dates ?
- Le niveau de cash disponible : couvre-t-il les échéances à court terme ?
- Le passif court terme : existe-t-il d'autres lignes à rembourser rapidement ?
- La capacité d’accès au marché : notoriété de l’émetteur, fréquence des émissions, qualité du crédit.
- Le rating : une dégradation de la notation en amont peut provoquer un blocage du marché.
Pourquoi c’est un risque sournois
En environnement normal, ce risque est peu visible. Tant que la liquidité est abondante et que les spreads sont serrés, les entreprises refinancent facilement.
Mais en période de crise (2008, Covid, hausse brutale des taux), le marché peut se fermer du jour au lendemain, y compris pour des signatures réputées solides. Le refinancement devient incertain, ou ne peut se faire qu’à un coût destructeur.
Certaines entreprises anticipent ce risque en allongeant la maturité de leur dette ou en accumulant de la trésorerie. D’autres vivent en flux tendus et dépendent totalement du bon vouloir du marché primaire.
Pour l’investisseur obligataire
Une obligation à maturité courte n’est pas toujours moins risquée, surtout si l’émetteur dépend intégralement du refinancement. Ce point est critique dans les stratégies obligataires court terme ou les fonds monétaires dynamiques.
On parle de mur de dette pour désigenr la situation où une entreprise aura un fort montant à refinancier en un temps court (une même année par exemple).
Le risque de refinancement est aussi central dans les obligations à haut rendement : beaucoup d’émetteurs ne peuvent honorer les échéances qu’en réémettant. Dès que les taux se te ndent ou que l'appétit pour le risque recule, ces titres deviennent très vulnérables.
Exemple concret : le cas Casino (2023)
Le groupe de distribution français Casino a longtemps été connu pour son endettement structurel élevé, lié à une stratégie complexe mêlant rachats, cessions, et montages financiers avec une cascade de holding permettant au Président (Jean-Charles Naouri) de contrôler l'ensemble du groupe avec un minimum de fonds propres.
En 2023, le Groupe Casino est devenu un cas d’école de risque de refinancement.
Contexte initial
- Environ 6,4 milliards d’euros de dette brute au niveau de la maison mère, dont 3,5 milliards à échéance 2025 ou avant.
- Une trésorerie disponible inférieure à 500 millions d’euros.
- Des cash-flows faibles, souvent négatifs, et des ventes d’actifs régulières mais insuffisantes pour couvrir les besoins.
- Une dépendance critique au refinancement via le marché obligataire, devenu la seule source possible pour rouler la dette.
Phase de tension
- Début 2023 : remontée brutale des taux, appétit en baisse sur le segment High Yield.
- Les obligations Casino 2026 et 2027 se traitent à moins de 40 % du nominal.
- Impossibilité d’émettre de nouveaux titres, le marché est « fermé ».
Déclenchement du défaut
- En juillet 2023, le groupe annonce son incapacité à faire face à ses échéances prochaines.
- Entrée en conciliation : tentative de restructuration volontaire avant la faillite.
Restructuration et pertes pour les créanciers
- Mise en œuvre d’un échange dette contre actions : les obligataires subissent une décote allant jusqu’à 80 %.
- Nouvelle recapitalisation : 1,2 milliard d’euros injectés par un consortium (notamment Daniel Kretinsky).
- Le capital est massivement dilué, les actionnaires initiaux quasi effacés.
Leçons pour l’investisseur
- Même une entreprise cotée, disposant d’actifs tangibles, peut se retrouver en défaut si elle n’a plus accès au refinancement.
- Les maturités courtes ne garantissent rien : les souches 2024 ont été touchées aussi violemment que les autres.
- Le risque de refinancement est un risque de marché, pas seulement de gestion : il dépend aussi du contexte global (taux, liquidité, confiance).
Ce qu'il faut retenir
Le risque de refinancement est souvent sous-estimé. Ce n’est pas un risque de solvabilité en soi, mais une forme de dépendance au bon fonctionnement du marché obligataire. L’investisseur averti doit l’intégrer dans son analyse, surtout dans les phases de stress de marché.
Terme en anglais : Refinancing risk

Nicolas Pérot
Ancien trader sur produits de taux d’intérêt et responsable des émissions obligataires de grandes entreprises, je partage ici mon expertise sur les obligations. Mon objectif ? Démystifier ce marché et apporter de la valeur à tous, du débutant à l’investisseur chevronné.
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