La courbe des taux d'intérêt

En résumé

Sommaire

Qu’est-ce que la courbe des taux ?

La courbe des taux est un graphique qui représente les rendements par maturité.

C’est une courbe qui, pour chaque maturité (de 1 jour à 30 ans par exemple), indique quel est le taux d’intérêt (exprimé en base annuelle) applicable aux émissions obligataires ou aux placements ayant cette maturité. La courbe des taux indique combien on touche (ou à combien on peut s’endetter) actuellement.

En cela elle est différente des autres courbes que l’on trouve en bourse (la courbe historique du CAC40 par exemple, ou la courbe historique de l’Euribor), qui représentent les historiques d’une valeur donnée.

Voici un exemple de courbe des taux allant de 1 an à 30 ans :

C’est un outil utilisé en permanence par les émetteurs obligataires comme par les investisseurs, puisqu’elle matérialise le taux d’équilibre entre acheteurs et vendeurs.

Afin de comprendre la courbe des taux, il faut être parfaitement à l'aise avec l’idée suivante :

Le prix des obligations évolue à l'inverse des taux. Les taux évoluent à l'inverse du prix des obligations.

Lorsque les investisseurs achètent des obligations d’une maturité donnée, ils font baisser le rendement sur cette maturité. Lorsqu’ils les délaissent, cela fait monter les taux : c’est la conséquence d’une moindre demande. Rien de sorcier, c’est exactement la même chose avec l’immobilier et les rendements locatifs.

Exemple : la courbe des OAT (obligations de l’Etat français)

Vous pouvez la trouver ici ou encore ici (vous avez tous les pays du monde sur ce site), dont voici une capture d’écran.

On la lit ainsi :

  • Une obligation à 1 an de l’Etat français rapporte actuellement 3,8%
  • Une obligation à 10 ans de l’Etat français rapporte actuellement 3%
  • Une obligation à 30 ans de l’Etat français rapporte actuellement 3,6%, etc.

Ces taux sont bien sûr des taux annuels, en taux actuariel.

Les courbes en pointillés vous donnent une idée de la courbe des taux dans le passé.

Au vu de cette courbe, peut-on conclure qu’il est plus avantageux de placer à 1 an qu’à 10 ans ? Et que les investisseurs qui achètent des obligations 10 ans son mal avisés ? Non : on en parle plus loin.

Il n’existe pas qu’une seule courbe des taux

Lorsque l’on parle de courbe des taux, on parle en général de la courbe des taux d’Etats (les bons du trésor, ou obligations souveraines). En réalité, il existe une courbe des taux par émetteur obligataire, et même une courbe des taux par devise !

Citons par exemple :

  • La courbe des taux de rendements du trésor. C’est la courbe des taux de rendement des obligations d’Etat, comme la courbe des OAT donnée en exemple ci-dessus
  • La courbe des taux de rendement des entreprises du secteur bancaire disposant du rating A
  • La courbe des taux de rendement de la société Total (constituée des taux de rendements des obligations de différentes échéances émises par Total)
  • La courbe des taux Euribor : les taux courts (inférieur à 1 an) pratiqués sur le marché interbancaire, c’est à dire auquels les banques se prêtent entre elles
  • La courbe des taux de swap (qui utilise les cours des contrats d’échange entre taux fixe et taux variable utilisés par les banques pour couvrir leur risque)
  • La courbe des taux zéro coupon : obtenue par calcul à partir des taux actuariels, elle permet d’obtenir facilement des taux d’actualisation.

Enfin, chaque devise a ses propres taux d’intérêt, donc il est normal que les courbes des taux dépendent d’une devise. Une entreprise internationale comme Total peut donc avoir une courbe des taux en euro, une en dollar, etc.

Vous pouvez même établir la courbe des taux des différentes banques que vous interrogez lorsque vous cherchez un prêt immobilier !

Chaque entreprise et chaque Etat possède ainsi ses propre courbe des taux. Enfin, elle ne la « possède » pas : on la construit en observant le cours des obligations, puis en déduisant le taux correspondant à chaque maturité, en faisant des interpolations si une maturité n’existe pas.

Les différentes parties de la courbe des taux

On découpe généralement la courbe des taux en segments. Les années sont indicatives : chaque professionnel peut les voir différemment.

La partie courte de la courbe des taux (0-4 ans)

Cette partie est dirigée par les taux directeurs des banques centrales, et l’anticipation d’évolution de ces derniers. Par exemple, si les taux directeurs sont aujourd’hui à 4% mais que le taux 1 an est de 3,5%, on peut implicitement en conclure que le marché anticipe une baisse à 3% d’ici 6 mois (car 3,5% correspond par exemple à 4% pendant 6 mois et 3% pendant les 6 autres mois).

La partie intermédiaire de la courbe des taux (4-12 ans)

Ce segment est dirigé par l’offre et la demande des émissions obligataires (la maturité moyenne des émissions tous émetteurs confondus est autour de 7 ans).

La partie longue de la courbe des taux (12 ans et +)

Ce segment est dirigé par les anticipations d’inflation et les grandes tendances économiques (démographie par exemple).

Plus on va loin dans le temps, moins les décisions des banques centrales ont de l’importance : elles sont diluées par les cycles économiques.

Jusqu’où vont les courbes des taux ? Généralement 30 ans, voire 50. Certains émetteurs émettent à 100 ans (comme l’Autriche) donc il faut ajouter un point de courbe supplémentaire ! Les habitats préférés

Les professionnels ont généralement une zone d’intérêt particulier, selon leur métier :

  • les gérants d’OPCMV monétaires s’intéressent au 0-2 ans
  • les trésoriers d’entreprise au 0-4 ans
  • les émetteurs d’obligations pour une entreprise s’intéressent au 5-10 ans
  • les gérants de fonds de pension et les assureurs au plus de 10 ans, voire plus de 30 ans
  • etc.

Il y a une continuité dans la courbes des taux. Elle ne bouge pas par segments totalement dissociés.

  • un investisseur qui cherche à acheter du 8 ans pourra aller jusqu’à 10 ans si le surcroît de rémunération est plus appétissant et compense le risque liél à la duration supplémentaire)
  • un émetteur qui visait 5 ans pourra émettre à 7 ans si les taux sont identiques
  • etc.

C’est la théorie des habitats préférés élaborée par Modigliani et Sutch. Elle part du principe que chaque intervenant de marché a une zone de prédilection, et qu’un émetteur doit payer une prime supplémentaire pour attirer des investisseurs hors de leur zone.

Cependant, tous les acteurs ont des limites, parfois strictes (un gérant d’OPCVM est contraint par ses règles de gestion), ce qui peut causer parfois des incohérences entre segments pourtant très proches.

C’est aussi le cas avec les contraintes de notation : un très bon émetteur qui n’est pas noté par les agences aura beaucoup de mal à trouver des acheteurs. Parfois, payer une prime ne suffit pas… (et c’est alors un avantage pour l’investisseur particulier, qui n’a aucune limite stricte).

La forme de la courbe des taux

La courbe de taux peut prendre différentes formes. On en distingue généralement trois familles de formes : normale, plate, inversée.

NB : Ces formes sont à interpréter « en tendance », une courbe inversée n’est pas forcément strictement décroissante.

La courbe de taux normale

La courbe des taux normale, ou croissante, est le phénomène le plus courant. Elle se produit généralement lorsque l’économie est en rythme de croisière. Le marché anticipe une croissance modérée ou élevée, sans risque de récession.

Les taux sont plus élevés sur les maturités longues. Cela ne traduit pas forcément une anticipation d’augmentation des taux directeurs. Cela reflète simplement la préférence des investisseurs pour le court terme : à risque égal, il est rationnel de privilégier les maturités courtes. Les investisseurs demandent donc une prime (décote sur le prix) pour détenir des obligations longues (plus sujettes au risque de défaut, au risque d’inflation, etc.).

Une courbe des taux peut rester croissance pendant longtemps, parfois plus d’une décennie. Les taux directeurs peuvent bouger, mais c’est toute la courbe qui se translate vers le haut ou le bas. Elle peut être plus ou moins pentue.

La courbe des taux plate

NB : Une courbe des taux n’est jamais totalement plate, mais lorsque les taux longs sont peu ou prou égale aux taux courts, c’est le terme employé.

Cela pourrait être vu comme une anomalie : en théorie, les investisseurs ne devraient pas accepter de placer à un taux identique à long terme qu’à court terme.

Cette anomalie signifie simplement que les investisseurs anticipent une baisse des taux courts. Mettez-vous à leur place : si vous avez le choix entre placer à 6% pendant un an, ou à 6% pendant 10 ans, quel serait votre raisonnement ? Si vous estimez que les taux vont baisser, vous figez les 6%. Si vous estimez qu’ils ont un potentiel de hausse, vous placez en monétaire, en espérant pouvoir placer à un taux plus élevé ensuite.

La courbe des taux plate intervient donc souvent en toute fin de cycle de hausse des taux d’une banque centrale.

La courbe des taux inversée

Ici, on suit le même raisonnement que pour la courbe des taux plate, mais en plus violent. Les investisseurs sont persuadés que les taux courts vont baisser, ils se jettent sur les taux longs, quitte à recevoir une rémunération inférieure, mais plus durable.

Elle survient aussi lorsque le « flight to quality » (fuite vers la qualité) est fort. Les investisseurs qui délaissent les actions pour acheter des obligations font baisser les taux longs.

Elle est généralement signe de récession à venir, puisqu’elle témoigne d’une anticipation de baisse des taux imminente de la Banque Centrale.

La pente de la courbe des taux

La pente désigne l’écart entre deux points de la courbe des taux. On peut parler de « la pente 2-20 » par exemple pour désigner la différence entre le taux 20 ans et le taux 2 ans.

La Fed de Saint-Louis nous offre ce graphe historique de la pente 2-10 sur le marché des T-Bonds (obligations US) :

Pente 2-10 = taux de l’obligation US 10 ans – taux de l’obligation US 2 ans Source : https://fred.stlouisfed.org/series/T10Y2Y

Les passages en négatif signifient que le 2 ans étant supérieur au 10 ans, donc que la courbe était inversée. Les zones verticales grisées correspondent aux périodes de récession. On constate que l’inversion est un bon signal précurseur des récessions.

Les représentations historiques de la courbe des taux

La courbe des taux est déjà un graphique en 2D : un historique sera donc en 3D !

Le New York Times avait créé une belle visualisation de la courbe des T-Bonds : https://www.nytimes.com/interactive/2015/03/19/upshot/3d-yield-curve-economic-growth.html

Avec le temps comme 3e dimension et de la musique, cela donne des belles visualisations animées :